Arnulf Rainer
A la recherche inlassable de ce qui l'intéresse, comme il le formule dans son film "Loin et en vain", Arnulf Rainer fait figure de générateur d'impulsions toujours nouvelles.
Né en 1929 à Baden près de Vienne, il se décide souvent avec esprit de suite à donner une nouvelle orientation à sa vie pour se déterminer librement lui-même. Il quitte l'école vers l'âge de 15 ans, car il ne veut pas être contraint à peindre selon nature et décide de devenir artiste. En 1949, peu de temps après son admission, il quitte aussi bien l'Ecole supérieure des Arts Appliqués que l'Académie des Beaux-Arts de Vienne.
L'art de Arnulf Rainer se découvre par séries.
Dans ses premiers dessins figuratifs (1947-51), il se laisse influencer par les théories des surréalistes, pour s'en détacher ensuite en 1951, après une rencontre décevante avec André Breton à Paris.
En 1950, alors membre du groupe de canailles fondé en 1950 à Vienne, Rainer provoque le public dans la pose du bouffon. Des microstructures à l'apparence organique voient le jour, ses destructions de formes annonçant déjà son désir de progresser par manipulation-destruction vers quelque chose de nouveau, de meilleur, comme dans ses retouches plus tardives. Sa peinture informelle avait ainsi déjà sonné.
Le désir d'atteindre les plus hauts sommets de liberté dans la peinture s'exprime notamment dans sa peinture à l'aveugle, avec les yeux fermés, et par une idée maîtresse qu'il formule comme suit en 1952 :
"La peinture est une forme visuelle de la conscience intellectuelle. Le résultat d'un point par rapport à l'environnement est le moment de sa naissance. Le nombre infini de points (la surface homogène) les estompe. Sur les traces de la réduction permanente, elle aspire à une situation limite (la distillation et la dissolution). Pour la destruction des idoles du millénaire, un moyen de libération inlassable par rapport à une tradition qui est la deuxième."
Dans les années 50 et 60, Rainer commence à retoucher en monochromie ses propres œuvres, ainsi que celles mises à sa disposition par d'autres artistes (par exemple, par Mathieu, Vasarely et Vedova). Le langage imagé utilisé dans les "retouches", qui ont donné lieu par la suite aux "ajouts de peintures", présentent un thème central dans la peinture de Rainer et de son plus grand groupe de travaux. La technique consistant à griffonner, peindre ou dessiner sur un travail lui sert également à conférer une expression plus significative à ses photos noir et blanc avec des attitudes issues de la gestuelle corporelle. C'est le cas également pour les retouches de photos "Face Farces" (1970), qui représentent toutes les poses corporelles imaginables de Rainer.
Bien que l'artiste désigne les "retouches" comme des "antipodes dialectiques" à ses travaux faisant intervenir le langage du corps gestuel-mimique, il englobe ici la querelle des deux disciplines artistiques en une synthèse visuelle. Ses travaux de langage corporel ont commencé par des grimaces dans les cabines photos. Il expérimente d'une part avec son corps comme fond de peinture et, d'autre part, comme matériau dans sa peinture à la main et aux doigts apparue en 1973.
Dans une citation significative, Arnulf Rainer nous explique pourquoi la retouche est un plaisir intérieur : "La peinture, pour terminer la peinture". Cela signifie : parvenir, par corrections et modifications, à une nouvelle expression, en relation dialectique avec un autre niveau, à une vue nouvelle, plus profonde.
Voici ce que disait Rainer à propos de sa méthode de "retouches" : "Avec critique et hostilité envers tout, je parviens à corriger et à retoucher. Ce n'est que maintenant que j'ose détruire, parce que quelque chose de meilleur en sort. Les représentations fixes mais floues me comblent, se différencient et se concrétisent seulement pendant le dessin et deviennent quelque chose de nouveau. Après une ou deux heures, je suis épuisé. Les améliorations ne sont plus que modifications ou souvenirs. Les idées ne s'élargissent pas de ce qui est déjà fait."
Après un retour à sa période surréaliste précoce, et sous l'influence d'hallucinogènes, comme la Psilocybine et le LSD, Rainer crée des dessins figuratifs en 1965.
Plusieurs films sur l'avant-gardisme autrichien, qui influencèrent Rainer de manière décisive, et leurs rapports avec la drogue voient le jour.
Entre ses retouches par dessin de divers sujets, comme les grottes et les roches, l'architecture souterraine et les poses de femmes (1974-77) et sa série de retouches photos "art sur l'art" d'artistes célèbres, il n'y avait qu'un pas.
Dans la série des "têtes de caractère" du génie méconnu de la sculpture baroque, F.X. Messerschmidt, Rainer choisit par exemple des reproductions photographiques du "satirique" ou du "clown à griffes", pour faire des retouches par dessin. Il retouche d'autres photos d'œuvres de Dorés, de la "Caricature" de Zanetti, de Léonard de Vinci et, au début des années 80, des œuvres de Goya, Holbein, Blake après la Divine Comédie de Dante.
Il s'agit non seulement de rehausser l'expression par les lignes de contour, comme pour les têtes de Messerschmidt, mais aussi d'apporter des ajouts de peintures, des coupures gestuelles-visuelles, des modifications, suite à quoi on ne reconnaît plus le motif d'origine que sur le côté ou flottant ça et là. Par la suite, il étend sa méthode à des représentations de tableaux graphiques de feuilles, de fleurs et d'animaux et aussi du cosmos.
A cette époque (1977), Rainer est confronté à la thématique de la mort. Les croix avaient déjà été un de ses thèmes de prédilection, et il le reprit rapidement. On retiendra également un dessin précoce de "Rainer à l'article de la mort" (1949). Il s'agissait alors de masques mortuaires de personnages célèbres dans le domaine de la politique, la littérature, la philosophie et la musique (comme Uhland, Robespierre, Schiller, von Weber, Fichte, Puccini, Liszt, Haydn, etc.). Il est évident que le thème des masques intéressait Rainer depuis longtemps, notamment par rapport aux grimaces. C'est l'expression figée de la vie qui s'en va, l'extinction et le regard douloureux de ce qui n'est plus que corporel que Rainer a choisi comme fond thématique de ses retouches par dessin, que Werner Hofmann caractérisait de "obsession", comme une "excursion sur la crête entre art et rituel".
Hofmann et le prêtre Otto Mauer, qui avait fondé la très influente galerie d'avant-garde à Vienne en 1955, la "Galerie près de St. Stephan", voient la conciliation de la contradiction dans les travaux de Rainer, entre couleurs agressives et réconciliation (voir "Face Farces"), dans une perspective chrétienne. Johannes Cladders décrit les travaux de Arnulf Rainer de la manière suivante : "Ses tableaux ne sont pas des peintures en dialogue esthétique ou langage personnel, pas plus que des illustrations de quelque chose, des allégories de quelque chose, des symboles de quelque chose. Ce sont des actions, la victoire de l'inutilité, de l'infériorité".
En 1981, Rainer reçoit une chaire de professeur à l'Académie des Beaux-Arts à Vienne. En 1995, il est mis à la retraite à sa demande. Il vit actuellement à Vienne, en Haute-Autriche, en Bavière et à Ténériffe.
Lilian Haberer
Copied from http://www.newmedia-art.org/cgi-bin/show-art.asp?LG=FRA&ID=9000000000066991&na=RAINER&pna=ARNULF&DOC=bio
A la recherche inlassable de ce qui l'intéresse, comme il le formule dans son film "Loin et en vain", Arnulf Rainer fait figure de générateur d'impulsions toujours nouvelles.
Né en 1929 à Baden près de Vienne, il se décide souvent avec esprit de suite à donner une nouvelle orientation à sa vie pour se déterminer librement lui-même. Il quitte l'école vers l'âge de 15 ans, car il ne veut pas être contraint à peindre selon nature et décide de devenir artiste. En 1949, peu de temps après son admission, il quitte aussi bien l'Ecole supérieure des Arts Appliqués que l'Académie des Beaux-Arts de Vienne.
L'art de Arnulf Rainer se découvre par séries.
Dans ses premiers dessins figuratifs (1947-51), il se laisse influencer par les théories des surréalistes, pour s'en détacher ensuite en 1951, après une rencontre décevante avec André Breton à Paris.
En 1950, alors membre du groupe de canailles fondé en 1950 à Vienne, Rainer provoque le public dans la pose du bouffon. Des microstructures à l'apparence organique voient le jour, ses destructions de formes annonçant déjà son désir de progresser par manipulation-destruction vers quelque chose de nouveau, de meilleur, comme dans ses retouches plus tardives. Sa peinture informelle avait ainsi déjà sonné.
Le désir d'atteindre les plus hauts sommets de liberté dans la peinture s'exprime notamment dans sa peinture à l'aveugle, avec les yeux fermés, et par une idée maîtresse qu'il formule comme suit en 1952 :
"La peinture est une forme visuelle de la conscience intellectuelle. Le résultat d'un point par rapport à l'environnement est le moment de sa naissance. Le nombre infini de points (la surface homogène) les estompe. Sur les traces de la réduction permanente, elle aspire à une situation limite (la distillation et la dissolution). Pour la destruction des idoles du millénaire, un moyen de libération inlassable par rapport à une tradition qui est la deuxième."
Dans les années 50 et 60, Rainer commence à retoucher en monochromie ses propres œuvres, ainsi que celles mises à sa disposition par d'autres artistes (par exemple, par Mathieu, Vasarely et Vedova). Le langage imagé utilisé dans les "retouches", qui ont donné lieu par la suite aux "ajouts de peintures", présentent un thème central dans la peinture de Rainer et de son plus grand groupe de travaux. La technique consistant à griffonner, peindre ou dessiner sur un travail lui sert également à conférer une expression plus significative à ses photos noir et blanc avec des attitudes issues de la gestuelle corporelle. C'est le cas également pour les retouches de photos "Face Farces" (1970), qui représentent toutes les poses corporelles imaginables de Rainer.
Bien que l'artiste désigne les "retouches" comme des "antipodes dialectiques" à ses travaux faisant intervenir le langage du corps gestuel-mimique, il englobe ici la querelle des deux disciplines artistiques en une synthèse visuelle. Ses travaux de langage corporel ont commencé par des grimaces dans les cabines photos. Il expérimente d'une part avec son corps comme fond de peinture et, d'autre part, comme matériau dans sa peinture à la main et aux doigts apparue en 1973.
Dans une citation significative, Arnulf Rainer nous explique pourquoi la retouche est un plaisir intérieur : "La peinture, pour terminer la peinture". Cela signifie : parvenir, par corrections et modifications, à une nouvelle expression, en relation dialectique avec un autre niveau, à une vue nouvelle, plus profonde.
Voici ce que disait Rainer à propos de sa méthode de "retouches" : "Avec critique et hostilité envers tout, je parviens à corriger et à retoucher. Ce n'est que maintenant que j'ose détruire, parce que quelque chose de meilleur en sort. Les représentations fixes mais floues me comblent, se différencient et se concrétisent seulement pendant le dessin et deviennent quelque chose de nouveau. Après une ou deux heures, je suis épuisé. Les améliorations ne sont plus que modifications ou souvenirs. Les idées ne s'élargissent pas de ce qui est déjà fait."
Après un retour à sa période surréaliste précoce, et sous l'influence d'hallucinogènes, comme la Psilocybine et le LSD, Rainer crée des dessins figuratifs en 1965.
Plusieurs films sur l'avant-gardisme autrichien, qui influencèrent Rainer de manière décisive, et leurs rapports avec la drogue voient le jour.
Entre ses retouches par dessin de divers sujets, comme les grottes et les roches, l'architecture souterraine et les poses de femmes (1974-77) et sa série de retouches photos "art sur l'art" d'artistes célèbres, il n'y avait qu'un pas.
Dans la série des "têtes de caractère" du génie méconnu de la sculpture baroque, F.X. Messerschmidt, Rainer choisit par exemple des reproductions photographiques du "satirique" ou du "clown à griffes", pour faire des retouches par dessin. Il retouche d'autres photos d'œuvres de Dorés, de la "Caricature" de Zanetti, de Léonard de Vinci et, au début des années 80, des œuvres de Goya, Holbein, Blake après la Divine Comédie de Dante.
Il s'agit non seulement de rehausser l'expression par les lignes de contour, comme pour les têtes de Messerschmidt, mais aussi d'apporter des ajouts de peintures, des coupures gestuelles-visuelles, des modifications, suite à quoi on ne reconnaît plus le motif d'origine que sur le côté ou flottant ça et là. Par la suite, il étend sa méthode à des représentations de tableaux graphiques de feuilles, de fleurs et d'animaux et aussi du cosmos.
A cette époque (1977), Rainer est confronté à la thématique de la mort. Les croix avaient déjà été un de ses thèmes de prédilection, et il le reprit rapidement. On retiendra également un dessin précoce de "Rainer à l'article de la mort" (1949). Il s'agissait alors de masques mortuaires de personnages célèbres dans le domaine de la politique, la littérature, la philosophie et la musique (comme Uhland, Robespierre, Schiller, von Weber, Fichte, Puccini, Liszt, Haydn, etc.). Il est évident que le thème des masques intéressait Rainer depuis longtemps, notamment par rapport aux grimaces. C'est l'expression figée de la vie qui s'en va, l'extinction et le regard douloureux de ce qui n'est plus que corporel que Rainer a choisi comme fond thématique de ses retouches par dessin, que Werner Hofmann caractérisait de "obsession", comme une "excursion sur la crête entre art et rituel".
Hofmann et le prêtre Otto Mauer, qui avait fondé la très influente galerie d'avant-garde à Vienne en 1955, la "Galerie près de St. Stephan", voient la conciliation de la contradiction dans les travaux de Rainer, entre couleurs agressives et réconciliation (voir "Face Farces"), dans une perspective chrétienne. Johannes Cladders décrit les travaux de Arnulf Rainer de la manière suivante : "Ses tableaux ne sont pas des peintures en dialogue esthétique ou langage personnel, pas plus que des illustrations de quelque chose, des allégories de quelque chose, des symboles de quelque chose. Ce sont des actions, la victoire de l'inutilité, de l'infériorité".
En 1981, Rainer reçoit une chaire de professeur à l'Académie des Beaux-Arts à Vienne. En 1995, il est mis à la retraite à sa demande. Il vit actuellement à Vienne, en Haute-Autriche, en Bavière et à Ténériffe.
Lilian Haberer
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